Grenoble : Eric Piolle :60 jours déjà ou le permis de gagner par la conciliation des contradictions

La véritable victoire d’Eric Piolle à la Mairie de Grenoble est intervenue le 23 mars, date de son accession à la première place du premier tour.

Sans cette première place, rien n’était possible pour le second tour donc pour la victoire finale.

Cette première place a été la récompense de nombreux facteurs.

Certains lui ont appartenu en direct. D’autres ont fait de lui l’heureux bénéficiaire de défaillances de ses concurrents.

En ce qui concerne ses concurrents, Eric Piolle a capitalisé des erreurs ou des fautes qui ont beaucoup impacté progressivement les scores.

L’UMP et l’UDI ont très mal négocié la sortie du dispositif des primaires qui a été perçu comme l’opposé de l’esprit de départ. A l’origine, il s’agissait de faire choisir par la base et à l’arrivée, ce sont les états-majors parisiens qui ont tout décidé, tout structuré, même le classement de candidats absents des … primaires.

Difficile de construire une dynamique sur un tel échec apparent. Le leader ainsi désigné, Matthieu Chamussy, a ensuite mis en place une campagne qui a toujours manqué de souffle.

Mais surtout, comment pouvait-il imaginer parvenir à devenir majoritaire alors même que sa liste ne rassemblait pas le Centre (liste conduite par Philippe de Longevialle) ni la société civile (liste Nous Citoyens conduite par Denis Bonzy) ?

Non seulement Matthieu Chamussy ne rassemblait pas ces sensibilités mais lui directement ou son entourage multipliaient les agressions « gratuites » face à ces listes concurrentes éloignant d’autant toute perspective éventuelle de rapprochements ultérieurs.

Tout était « organisé » comme si la fonction d’opposition était en réalité le vrai choix a fortiori avec la présence d’une liste du FN.

Pour ce qui concerne le Parti Socialiste, le Maire sortant, Michel Destot, a manifestement passé le relais trop tardivement.

Son dauphin, Jérôme Safar, a été très loyal pendant la campagne, trop probablement. Plus il défendait le bilan des sortants, plus il affaiblissait sa valeur ajoutée personnelle alors même que très peu de sortants significatifs aux yeux de l’opinion ne s’engageaient à ses côtés.

Il aurait dû incarner la rupture pour tenter de faire vivre l’alternance au sein du … PS et ainsi fermer la porte à l’idée d’alternance au sein de la … gauche.

Pour deux autres candidats, leur espace politique a été parasité par les «liaisons dangereuses» aux yeux de l’opinion. Le centriste Longevialle a été handicapé par son appartenance à l’exécutif sortant. Denis Bonzy a été « vampirisé » par sa participation à la primaire baptisée UMP et non pas au-delà de cette seule formation.

Pour les deux, les labels d’appellations contrôlées ont pris le pas sur le contenu réel des démarches.

L’écart des voix du 1er tour a montré d’ailleurs combien la liste PS a payé le prix le plus fort de ne pas avoir présenté dès le 1er tour une liste de rassemblement incluant le Centre dans la lignée de la gestion 2008 – 2014.

Mais la victoire d’Eric Piolle repose sur des facteurs qui dépassent largement les seules fragilités ou insuffisances de ses concurrents.

Quatre ruptures sont intervenues.

Tout d’abord, le parti pris d’une campagne festive en temps de crise. C’est un choix paradoxal. Il s’est avéré très adapté à la jeunesse qui représente dans cette ville universitaire un segment électoral important.

Puis, pour la première fois à ce point, le leader d’une liste écologiste a accepté une communication très personnalisée.

Si cette communication personnalisée avait été le fait d’un candidat de droite, la dialectique écologiste classique l’aurait probablement affublée du qualificatif de « culte de la personnalité ». Mais là, c’était l’acceptation « contrainte » de la communication ... moderne.

Cette communication a été réussie parce qu’à faire cohabiter des contraires, la tête de cette liste a neutralisé les clichés mais surtout elle a ajouté les qualités.

Les modérés voyaient … l’ingénieur quand les militants écologistes écoutaient … le chef de groupe des Verts à la région.

Les entrepreneurs s’accrochaient à … l’ancien cadre d’HP quand les "CSP –" voulaient être solidaires du défenseur des … sans papiers …

Le positionnement d’Eric Piolle était une mosaïque de situations. Dans le regard de chacun, seule la facette rassurante trouvait grâce dans un tissu de totales contradictions si les intéressés avaient croisé leurs critères.

Pourquoi cette réussite ? Parce que le temps de la campagne, Eric Piolle est devenu mode.

Il est devenu mode non seulement grâce à des qualités personnelles objectives certaines mais surtout, troisième facteur, parce qu’il est devenu gagnant possible grâce à un article de Libération paru dans la dernière semaine de janvier.

Ces deux pages de Libération ont crédibilisé la victoire possible. Il y eut le regard d’autrui avant cet article et … après cet article. Les légitimistes, dont il ne faut jamais sous-estimer le nombre, avait trouvé « l’autre candidat » qui pouvait gagner.

Combien d’électeurs votent en étant sûrs de ne pas … gagner ? Peu en dehors du cortège des militants, cortège de moins en moins étoffé.

Le « marais » avait son alternative.

Enfin, le style de campagne d’Eric Piolle a été son permis de gagner. Ses relais ont été les plus nombreux. Ils ont fait naître une campagne décalée, contestataire mais pas au point de devenir caricaturale.

Ils ont été « in » en étant « out ».

La campagne a raconté une histoire lisible et séduisante. Le cocktail de la gagne était en … ordre.

60 jours plus tard, l’installation correspond assez bien au pragmatisme de la campagne électorale. Le contrat de majorité à la Métro assure à la fois le transfert des ardoises financières les plus lourdes à cette structure d’agglomération au sein de laquelle les élus de la majorité grenobloise occupent les responsabilités clefs.

En dehors de l’insécurité, l’opposition institutionnelle UMP – UDI est peu audible à ce jour.

Pour ce qui concerne le PS, il lui faudra clarifier comment il peut s’opposer fermement à Grenoble et co-gérer très solidairement à la Métro ?

La conciliation des contradictions a été le permis de gagner. Peut-être deviendra-t-elle le permis de gérer ? Si c’est avec la même efficacité que pendant les élections, la nouvelle page pourrait s’avérer longue… pour les opposants.


  • Publié le 23 mai 2014

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