Coupures d'eau : la "loi Brottes" et le débat irréel sur le fond
Pour l'essentiel, la "loi Brottes" a modifié l'assiette de nature à donner naissance à des coupures d'alimentation en eau, gaz ou électricité substituant pour l'essentiel le critère de "résidence principale" à celui plus classique de "difficulté sociale" pour rendre de telles coupures impossibles.
Ce dispositif est présenté comme de nature à limiter les prérogatives de coupures de "grands groupes". Mais cette présentation oublie que l'eau par exemple est souvent gérée par des régies publiques donc à l'extérieur de "grands groupes" que des associations aiment manifestement pourfendre.
Ce dispositif repose sur une appréciation selon laquelle les conditions élémentaires de vie ne pourraient se "satisfaire" de ruptures d'alimentations de ce type. Sur le fond, cette appréciation n'est pas inexacte. De telles ruptures traduisent en effet une étape de plus dans l'exclusion, ajoutent de la "crise à la crise". Mais ce constat de "droits fondamentaux" ne serait se limiter à de telles alimentations. Le "droit à manger" n'est-il aussi fondamental ? Le droit à se transporter n'est-il pas aussi important ? le droit à se loger n'entre-t-il pas dans la catégorie de tels "droits fondamentaux" ?
Ce dispositif est en réalité trop partiel dans l'assiette des "droits fondamentaux" mais en même temps trop large dans son nouveau critère.
En réalité, la nouvelle majorité parlementaire dans la foulée des élections de 2012 a pris une mesure très démagogique sur le fond présentée comme de nature à impacter la marge de manoeuvre de grands groupes privés souvent mis en relief par le PS comme des "épouvantails" alors même qu'ils sont, et parfois de très longue date, des partenaires de très nombreuses municipalités ... PS.
Mais ces groupes ont sous-estimé l'impact dans l'opinion de certains dossiers qui ont fait les gros titres des faits divers.
Ils sont surtout longtemps été prisonniers d'une approche qui privilégiait les relations avec les élus et peu la communication grand public. Si bien que l'opinion connaît peu la forêt de leur savoir faire et beaucoup les quelques arbres de faits exceptionnels.
A l'application, la "loi Brottes" est donc très difficile à respecter. Son coût administratif s'avère très lourd. La contagion dissociée de réels cas sociaux n'est pas à exclure tant la protection du consommateur est désormais forte et que le distributeur (public et privé) semble fragilisé.
Une récente décision de Justice par voie de référé va relancer le débat.
Pour ce qui concerne l'eau, la France est actuellement à total contre-courant de toutes les mesures mises en oeuvre ailleurs face aux menaces du réchauffement climatique.
La course à la baisse du prix de l'eau n'est pas compatible avec la valeur d'une ressource naturelle à protéger.
Cette course est totalement à l'opposé des efforts sur les réseaux qui ont pris beaucoup de retard ces dernières années.
Enfin, les ponctions budgétaires considérables de l'Etat sur les Agences de Bassin vont fragiliser les interventions pratiques de ces établissements comme leur autorité de coordination dans les bassins versants, ce qui était à l'origine même de leur création.
Plus fondamentalement, c'est tout un rapport à son énergie que la France refuse de regarder avec lucidité en repoussant toujours au lendemain des mesures incontournables précarisant d'autant des filières qui ont été la force de ce pays.