Eau : la nouvelle bataille dans l'agglomération grenobloise
En 1965, l'eau était présentée comme le facteur du succès d'Hubert Dubedout à Grenoble. En 1963, Hubert Dubedout, comme cadre du CENG chargé des relations extérieures, est appelé à participer à la préparation du Vème Plan, à la Commission des équipements urbains, où il représente le centre d'études nucléaire de Grenoble. Tous les participants sont choqués par le sous-équipement de la ville en matière d’approvisionnement en eau surtout pour les étages supérieurs qui est chaotique. Après quelques démarches individuelles infructueuses, Hubert Dubedout fait publier une annonce dans la presse, annonçant la création d’un syndicat des usagers de l’eau : il reçoit plus de 2 000 inscriptions en moins d’une semaine. Cette nouvelle légitimité lui permet d’obtenir rapidement des résultats concrets même s’il découvre que l’ensemble du réseau est à refaire. Le slogan du syndicat est alors « Grenoble Ville Olympique, c’est bien. De l’eau à nos robinets, c’est mieux ». Le lancement était réussi.
Maintenant, pour le sud de l'agglomération grenobloise, c'est que l'eau arrive au robinet en situation d'être ... consommable !
Depuis fin février 2016, c'est la crise dans le sud de l'agglomération. Et à quelques jours d'une réunion publique, une situation globale toujours inexpliquée : depuis fin 2014, l’eau n’est plus facturée dans le sud de l’agglomération grenobloise. Une situation qui appelle des remarques importantes.
1) Le cadre juridique c’est “l’eau paye l’eau” : l’eau est un un budget autonome où les recettes perçues sur les abonnés doivent financer les dépenses du budget de l’eau. Comment ce budget peut-il être alimenté quand les recettes ne sont plus perçues depuis deux ans ?
Fin décembre 2015, une lettre avait indiqué que la clarté serait donnée début avril 2016. Au 15 avril 2016, toujours pas la moindre explication ! Et dans le même temps aucune délibération d’un Conseil Municipal des nombreuses Communes concernées pour demander des explications. Le néant complet !
2) Toujours pas de réponse sur la conséquences de la non-collecte des recettes sur deux ans maintenant (2015 et 2016) : comment une régie publique qui doit équilibrer son fonctionnement peut-elle fonctionner sans recette sur 2 ans auprès de plus de 10 000 abonnés ?
3) Quelles conséquences pratiques résultent de ce déséquilibre financier incontournable entre d’un coté des dépenses qui courent et des recettes qui ne sont plus perçues ?
4) Cette situation est-elle l’une des causes de dysfonctionnement (moindre suivi des contrôles, moindre renouvellement des outils de contrôles …) ayant participé à la très grave pollution de l’eau du robinet depuis fin février 2016 dans le sud de l’agglomération ?
Toutes ces questions très concrètes sont toujours sans la moindre réponse, ce qui est particulièrement choquant. Il s’agit de questions techniques sans la moindre polémique. Rarement à ce point des citoyens auront été tenus à l’écart de l’information sur le fonctionnement d’une régie publique qu’ils financent … en principe quand cette régie publique sait collecter les recettes auxquelles elle a droit.
Dans le même temps, même pour la Ville de Grenoble, des questions importantes se posent également suite à un rapport de la Chambre Régionale des Comptes du 28 juillet 2014 au sujet de la régie publique des eaux de Grenoble ?.
Qu’indique pour l’essentiel le rapport de la Chambre régionale des Comptes ?
1) «Comptes non sincères» (cf page 13/47) : pour de multiples raisons dont l’irrespect de l’annualité des comptes, les comptes de la Régie sont considérés comme non sincères.
2) Par ailleurs, dans ce contexte général, des indicateurs financiers d’alertes sont nombreux :
- l’augmentation des créances irrecouvrables : 254 985 € sur l’exercice 2011 soit une très forte augmentation (cf page 14/47),
- forte augmentation de l’endettement : + 63 % de 2008 à 2011 et sur la base d’emprunts aux critères techniques qui les rendent très onéreux dans le temps (cf page 18/47),
…
3) Toutes ces dépenses sont-elles de nature à produire un réseau performant ?
Réponse : non.
Le taux des pertes en réseau (30 m3/Km/J) est le + élevé des collectivités urbaines de l’échantillon comparable (cf page 31/47).
4) Cette régie publique a-t-elle mené une politique salariale traduisant la mobilisation des personnels ?
Même en travaillant à 35 heures par semaine (cf page 25/47) à compter de 2008 (car c’était 34 heures par semaine avant 2008), c’est un organisme avec un taux très élevé d’absence par agent : 23 jours en moyenne par agent en 2012 (cf page 26/47).
Et la liste est longue des reproches effectués par la Chambre Régionale des Comptes.
Depuis plusieurs années, un club local de réflexions (Club 20) avait attiré l'attention sur des mesures urgentes indispensables notamment à l'aide d'une revue technique dont un numéro spécial avait été consacré au dossier de l'eau.
C'est un sujet qui ne pourra plus rester à l'écart des priorités locales dans de telles circonstances.