François Fillon et la crise de sa communication
Au-delà des actuelles différences d'appréciations sur le devenir de la situation de François Fillon, la période actuelle va s'inscrire comme un cas d'école de l'échec de la communication de crise c'est à dire la communication qui ajoute de la crise à la crise.
Au départ, deux constats s'imposent. D'une part, les trois premiers candidats de la primaire de la Droite répondent à trois profils très différents des électeurs de Droite. Alain Juppé représente la droite de la façade Ouest de la France. Elle vit peu la crise économique. Elle privilégie un ancrage de centre droit. A l'opposé, il y a la France de l'Est, des Hauts de France à la Provence. Nicolas Sarkozy incarne dans ces territoires une France plus populaire, moins aisée, confrontée à des problèmes d'identité et de chômage. Enfin, il y a la France du centre, celle des villages. La "province rurale" qui a peur de souffrir. La France des notables qui ont besoin d'ancrages solides, durables. D'où l'importance pour eux du débat sur l'identité. C'est l'ancrage sociologique du socle de François Fillon.
D'autre part, pour disposer d'étiages élevés, ces 3 Droites doivent s'entendre, travailler ensemble. Voter ensemble. Si l'une des Droites quitte cette union, le candidat des deux autres droites revient à des "eaux électorales" fragiles pour être qualificatives pour un second tour.
Par conséquent, toute la communication de François Fillon devait consister à ne pas casser cette union de sociologies très différentes. C'est la fonction de la communication de crise.
Une communication de crise, c'est quoi : un accident donne naissance au sentiment de trahison de la marque par rapport à son identité initiale perçue. Dans le feu de la gestion de la crise, l’enjeu c’est alors qu’une crise de la communication ne s’ajoute à la communication de la crise et n’amplifie pas alors la perception de la défaillance de la marque.
C’est cette chaîne qu’il importe de casser pour que l’accident ne change pas de dimension et que la réactivité face à l’accident permette de consolider la confiance nouvelle dans la marque.
Lors des crises sur des valeurs morales, l'intensité émotionnelle est plus forte et les réactions peuvent donc être virulentes. Paradoxalement, une forte relation affective peut limiter l'impact de la crise (le consommateur "n'y croit pas": minimisation) ou si la charge affective est trop grande, provoquer un désengagement fort. Lors de crises sur des valeurs morales, l'expérience montre que la réaction efficace est celle qui parle aux émotions.
Dans le feu de la crise, les études ont montré qu'il y a trois réactions possibles :
- le dialogue : "La marque me trahit, je veux comprendre, je pardonne".
- la rupture : "La marque me trahit, c'est fini"(de la fin de tout attachement à la marque au boycott voir au militantisme contre la marque).
- le paradoxe : "La marque me trahit, je déteste cette marque, mais je ne peux pas m'en passer».
Le cas de François Fillon montre bien l'existence de ces trois réactions traditionnelles. Mais l'originalité dans la gestion de la communication de la crise, c'est qu'au lieu de gommer la crise, la communication actuelle de François Fillon ajoute des crises (presse, justice ...) sans donner naissance à la moindre émotion positive. Sous ces deux volets, la communication de crise étonne :
- elle ne fait pas vivre des émotions positives qui puissent réconcilier avec l'identité d'origine de la marque,
- elle se coupe d'acteurs importants dans la crise (presse, justice). Alors même qu'à ce stade de la crise, rien d'irrémédiablement définitif juridiquement n'est "acquis". Une séquence temps surprenante à ce niveau de professionnalisme.