Harris Interactive : le secteur public devient clivant dans l'opinion publique

Dans le cadre de son partenariat avec LCP, Harris Interactive réalise chaque mois une enquête auprès des Français afin de cerner leurs opinions, leurs préoccupations et leurs attentes à l’égard de différents enjeux liés à un sujet d’actualité.

Emmanuel Macron

Le projet de réforme de la fonction publique, annoncé par le Premier ministre Edouard Philippe le 1er février dernier et présenté aux organisations syndicales le 29 mars, contient un certain nombre d’éléments constituant des points de crispation entre gouvernement et représentants des salariés, notamment en ce qui concerne le recours à plus de contractuels ou encore le développement de la rémunération au mérite pour les fonctionnaires.

De manière générale, les Français ont une opinion plutôt positive à l’égard de la fonction publique (64%), des services publics (63%) et des fonctionnaires (62%). Ce constat d’ensemble doit néanmoins être nuancé : ce regard est en effet fortement clivé entre les personnes travaillant dans le secteur privé, qui sont très partagées en ce qui concerne la fonction publique (55% disent en avoir une bonne opinion), et celles travaillant dans le secteur public, qui en ont une opinion nettement plus positive (81%). Notons que les sympathisants de gauche en ont également une perception bien meilleure que la moyenne (76% parmi les sympathisants France Insoumise/PCF, 79% parmi les sympathisants du PS)

On retrouve ce clivage dès lors que l’on analyse plus en détail l’image de la fonction publique auprès des différentes catégories de Français. Ainsi, la fonction publique est d’abord vue comme « trop coûteuse » et « privilégiée » par les personnes travaillant dans le secteur privé (74% dans les deux cas), loin devant tous les autres types de qualificatifs testés. En revanche, les personnes travaillant dans le secteur public la jugent avant tout « compétente » (80%, contre 53% chez les actifs du privé), « soucieuse de l’intérêt général » (74%, contre 45%), « sachant répondre aux besoins des usagers » (73%, contre 44%) et « efficace » (62% contre 34%).
De même, ce clivage se retrouve en termes politiques, les sympathisants de gauche approuvant ces éléments positifs davantage que la moyenne, quand les sympathisants LREM et de droite voient avant tout la fonction publique comme « trop coûteuse » et « privilégiée ». Néanmoins, les sympathisants de La République en Marche sont plus prêts à reconnaître certains aspects positifs à la fonction publique que les sympathisants de droite : 63% d’entre eux la considèrent « compétente » (55% parmi les sympathisants Les Républicains), 57% « soucieuse de l’intérêt général » (contre 45%), et 55% qu’elle « sait répondre aux besoins des usagers » (contre 37%).

Spontanément, quand on leur parle de la réforme de la fonction publique, les Français évoquent majoritairement une réforme plutôt « bonne » et « nécessaire », pointant en particulier l’incidence sur les retraites et les salaires des fonctionnaires. Les personnes travaillant dans le secteur privé mettent plus en avant la « nécessité » de cette réforme en évoquant parfois les « privilèges » supposés des fonctionnaires. De leur côté, les actifs du secteur public l’abordent davantage sous l’angle de la suppression des moyens et de l’impact sur les salaires et les retraites.

De manière générale, les Français se montrent plutôt favorables aux différents types d’évolutions de la fonction publique testées dans cette enquête. Le fait de favoriser la mobilité entre fonction publique et secteur privé au cours d’une carrière est le point jugé le plus positivement (84% des Français s’y déclarent favorables) et fait consensus tant dans le privé que dans le public.

Au-delà de ce point d’accord, les actifs du privé, en conformité avec leur perception plus critique à l’égard du secteur public, se montrent plus favorables à la plupart des types d’évolutions testés, en particulier l’alignement des régimes de retraites de la fonction publique sur ceux du privé (82%), le développement du recrutement de contractuels dans la fonction publique (75%), la rémunération au mérite pour les fonctionnaires (74%), et la fin de « l’emploi à vie » (74%). Si, dans le secteur public, on est plus réticent sur les points qui précèdent, on approuve en revanche massivement l’idée d’une augmentation de la rémunération des fonctionnaires (81%).

On peut noter que les Français sont très partagés à l’idée d’une éventuelle réduction du nombre de fonctionnaires (54% disent y être favorables). Ceci s’explique notamment par le fait que, pour certaines professions-clés, ils estiment majoritairement qu’il faudrait plutôt « plus » que « moins » d’agents de la fonction publique. Ainsi, quel que soit leur secteur de travail, les Français estiment avant tout qu’il faudrait plus de personnel hospitalier (86%, contre 6% qui considèrent qu’il en faudrait moins), de policiers (71%, contre 8%) et d’enseignants (66%, contre 10%). De même, 53% d’entre eux souhaiteraient plus de magistrats (contre 18% qui en souhaiteraient moins) et 52% plus de militaires (16% contre).

Le service public de l’emploi et la Sécurité sociale suscitent des jugements plus partagés (environ un tiers des Français pensent qu’il faudrait augmenter le nombre de fonctionnaires dans ces secteurs, et une proportion identique qu’il faudrait le diminuer). En revanche, les collectivités territoriales (28%) et le service public de la culture (21%) sont les domaines auxquels les Français associent le moins la nécessité d’augmenter le nombre d’agents. Ils sont même moins nombreux, dans ces deux secteurs, que les Français estimant qu’il faut réduire le personnel.
Si le souhait de plus de personnel hospitalier fait consensus entre secteur privé et secteur public et entre les différentes sensibilités politiques, chacune met en avant un type de besoin particulier : plus d’enseignants à gauche (75% des sympathisants France Insoumise / PCF, 76% des socialistes), plus de magistrats pour les sympathisants de La République en Marche (63%), plus de personnel dédié à la sécurité de la population pour les sympathisants Républicains (plus de policiers : 84%, plus de militaires : 65%) et Front National (plus de policiers : 77%, plus de militaires : 59%).

Enquête réalisée en ligne les 4 et 5 avril 2018. Échantillon de 1 063 personnes, représentatif des Français âgés de 18 ans et plus. Méthode des quotas et redressement appliqués aux variables suivantes : sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle et région de l’interviewé(e).

  • Publié le 9 avril 2018

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