2022 : un second tour Emmanuel Macron / Eric Zemmour est-il possible ?
La présence de Emmanuel Macron au second tour semble sécurisée. Il a un plancher de 23 %. Et le parti à venir d'Edouard Philippe va siphonner encore une partie modérée des LR au profit d'Emmanuel Macron. Mais pour le reste tout est ouvert. Un marqueur mérite l'attention : tous les candidats classiques plafonnent. Les outsiders sans parti ne décollent pas. Un candidat démarre fort : Eric Zemmour.
Le problème dans la vie politique française c'est que toute analyse sur Eric Zemmour est altérée par une hystérisation qui nuit à la qualité pure de l'analyse.
Pourquoi démarre-t-il aussi fort ? Probablement pour 3 raisons. 1) Il est "hors système politique". Ce fut en 2017 l'atout d'Emmanuel Macron. C'était même alors le socle thématique du Mouvement En Marche. Le système politique est devenu répulsif pour un nombre croissant de citoyens. 2) Il ré-introduit un choc de sens quand le système politique est perçu comme impuissant, trop pragmatique, vidé de sens. Et à cette offre de sens, il donne une vision intellectuelle, historique qui correspond à un positionnement ancien dans la vie politique française. Le dernier à avoir respecté cet ancrage fut probablement François Mitterrand sur des repères différents. 3) Il dégage une image de cohérence dans le temps donc de courage dans les convictions. Là encore, c'est un contraste fort avec une classe politique à qui l'opinion reproche de vite changer d'idées.
Un fait mérite l'attention : l'impact des révélations sur sa vie privée. Il faut toujours suivre avec attention le devenir des "candidats Tefal" : si l'opinion ne décroche pas après une révélation de nature à troubler son électorat de base, c'est que l'ancrage de cet électorat devient solide. Là encore, sur des bases différentes, Emmanuel Macron avait connu en 2017 connu des défis de ce type dont sa situation familiale personnelle atypique.
Les véritables enjeux sont de 3 ordres pour créer une éventuelle difficulté pour Eric Zemmour. 1) Les parrainages : avec la publicité des "parrains", l'étape est loin d'être aisée. En 2012, Dominique de Villepin avait buté sur cette haie. 2) Les excès : la bataille des prénoms l'a montré : chez tout idéologue, une forme d'intégrisme de pensée peut conduire "au pont trop loin". L'opinion n'attend pas que le candidat aille aussi loin et cette extrêmité l'inquiète, fait douter de sa présidentialité comme capacité de gouvernance. 3) L'installation de la "question posée" : chaque élection est d'abord une réponse à la question considérée comme principale pour l'élection en question. Si Eric Zemmour parvient à installer le choc des civilisations comme la question centrale, il positionnera l'élection comme un choc entre l'ouverture des frontières version Emmanuel Macron et le retour vers une logique plus "traditionnelle", il se placera dans une logique d'alternative élargissant ses scores. Si l'élection se désaligne vers des sujets économiques ou sociaux, sa position deviendra plus difficile car son offre est moins lisible sur ces sujets.
En conséquence, la situation est très atypique. La "pensée" de droite vit une expression décomplexée inédite. C'est une étape très intéressante qui est ouverte et qui en dira long sur l'état d'esprit des français.