Pierre Bergé et le marketing de la compassion
Avec une fougue excessive, Pierre Bergé pose une réelle question de fond : le fonctionnement du marketing de la compassion.
La période actuelle est marquée par un profond divorce entre l'individualisme croissant et la tentation de mettre en oeuvre une charité moderne qui solidarise face aux injustices les plus criantes.
En France, les causes de la recherche médicale, de l'environnement ont largement supplanté en termes de rendement des thèmes plus anciens sur l'aide aux personnes âgées, les handicapés qui avaient été très en vogue auprès des donateurs au début des années 1970.
Ce marketing de la compassion est en réalité marqué par cinq nouvelles caractéristiques.
Selon la mode du secteur concerné, il importe de faire naître la crainte de "ne pas en être".
C'est la première étape qui permet la mobilisation des personnalités.
La charité a une bonne image et tous ceux qui de près ou de loin peuvent participer à une campagne largement médiatisée sont ou deviennent sympathiques, humains.
C'est donc un nouveau champ de communication qui s'ouvre pour ces personnes avec une réhabilitation de leur fonction sociale.
Le second temps est celui de la concurrence qui existe inéluctablement même sur le marché de la générosité. Cette concurrence entraîne toujours des risques d'éviction des causes les moins dynamiques et moins médiatisées.
Le troisième temps est celui où la recherche des fonds privés ne doit pas pour autant conduire à justifier ou à faciliter le désengagement de l'État. Il y a là un travail considérable de communication qui peut s'apparenter à la justification d'un "toujours plus" qui impose pour le moins le maintien des dotations publiques.
Le quatrième temps est celui de la professionnalisation des acteurs qui doivent progressivement veiller à ce que des structures très organisées succèdent au militantisme, au bénévolat, au volontariat.
Le dernier temps, une fois cette phase de maturité atteinte, c'est que les financements privés des actions engagées ne connaissent pas des difficultés ou pire encore des scandales de nature à démobiliser et accélérer la phase mort de l'action.
Sous ces différents volets, on s'aperçoit alors, en termes de communication, que le don est devenu un produit qui, comme les autres, doit respecter un certain nombre de contraintes professionnelles.
La bataille pour la générosité va envahir l'économie et la politique car c'est une bataille d'image dans un dernier domaine consensuel.
La compassion est le levier d'une réhabilitation accélérée de certaines institutions ou personnalités.
Le marketing de la compassion échappe pour beaucoup aux règles de la raison. L'émotion est reine. Dans ces circonstances, la raison a souvent un combat perdu d'avance. Pierre Bergé a posé des questions de fond mais sur une tonalité très polémique qui a emporté l'examen des sujets sérieux qu'il voulait évoquer à juste titre et que la société devrait examiner avec sagesse et recul.
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