Ségolène Royal installe son code des "mots magiques"
Lors de son passage lundi soir au journal de 20 heures de TF 1, Ségolène Royal a effectué une démonstration exemplaire du nouveau code des "mots magiques" qui définissent sa démarche et expliquent pour une grande part son actuel succès.
Les mots sont censés signifier bien au-delà de leur seule signification directe immédiate. Ils vont nommer avantageusement l'ensemble d'un projet, d'un service, une idée.
Chacun pourrait rapidement décrire les mots qu'il ne faut pas employer. C'est un autre sujet que de définir les mots à employer.
En réalité, il ne s'agit pas de fournir un lexique de "mots supposés magiques" mais d'identifier les évolutions majeures qui ont construit de nouvelles tendances qui tournent la page des mots incarnant un ancien monde, un ancien regard, un ancien débat (voir notre lettre hebdomadaire 23 du 17/01/06).
Trois tendances portent un nouvel univers de communication.
1ère tendance : les multi-vies. La grande question du jour est : combien de vies vais-je avoir et non plus quelle vie vais-je avoir ?
Combien de vies professionnelles ?
Combien de vies familiales ? Combien de vies géographiques ? ...
Ce nouveau sentiment engendre un besoin d'humilité. Alors que chacun se pose beaucoup de questions sur sa propre existence comment faire confiance à quelqu'un qui prétendrait connaître voire maîtriser l'existence collective ?
Cette tendance tord le cou aux discours simplificateurs annonceurs de chemins simples uniques durables.
La seconde tendance est la fin de l'impersonnalité du discours. Puisque celui qui me parle n'appartient plus à une élite crédible pour me dire de quoi demain sera fait ni pour apporter les réponses aux problèmes du présent qui le rendent manifestement impuissant, celui qui parle doit démontrer que sa vie personnelle porte suffisamment d'expériences multiples pour lui permettre de comprendre la diversité des situations susceptibles d'affecter autrui.
C'est la nouvelle proximité.
La tradition du discours français reposait sur l'intellectualisation. Comment intellectualiser ce que l'on ne connaît pas car l'avenir est perçu comme inconnu ? Les citoyens s'en remettent moins aux mots. Ils aspirent à connaître l'identité de l'individu : ses expériences c'est-à-dire son histoire, ses échecs, succès, sa façon de vivre. Tout ce qui "impliquant" et qui permet de se faire une idée sur un être.
Il importe donc de répondre à cette attente.
La réalité, c'est que le citoyen attend un nouveau style d'expression et de communication qui lui permette de mieux connaître celui qui le représente ou qui aspire à le représenter. C'est une revendication de sens au-delà des "discours officiels".
"Par sa vie, cet individu peut-il comprendre la mienne, mes questions, mes doutes, mes aspirations ?" : c'est ce rapport impliquant qui est attendu.
Dans un monde complexe et contradictoire, cette observation est un vrai facteur d'explication d'un être que les citoyens cherchent à d'autant plus comprendre que les idéologies sont désormais vides de sens.
La troisième tendance forte, c'est le besoin de code moral (rigueur, respect de l'autre, respect de l'avenir ...) bien davantage que des règles précises. Là aussi, il importe donc de satisfaire à cette attente. C'est la définition d'un tempérament qui est le gardien des décisions ultérieures. La mode des programmes détaillés est passée. Elle correspondait à une époque où il était admis que le futur soit prévisible voire même planifiable. Cette époque est terminée. Il ne s'agit pas de promettre des mesures concrètes mais de communiquer une éthique globale qui est la grille de lecture des décisions à venir.