Législatives 2012 : une ambiance électorale nouvelle portée par les promesses du 6 mai
Les élections nationales de mai et juin 2012 resteront celles de la respectabilité. L'opinion veut être respectée, considérée. Ce fut la ligne de clivage majeure sur le style du Président sortant. C'est la ligne de clivage pour les scores chocs du 10 juin.
Derrière cette notion, c'est l'enjeu d'une appréciation portant sur deux marqueurs : parler vrai et agir bien, sous-entendu actuellement "agir juste".
Ce "climat" porte en lui 10 nouvelles frontières :
La première frontière : le partage. Dans la politique d’hier, le responsable politique contrôlait les messages. Dans la politique d'aujourd'hui, le citoyen contrôle l’écran donc ... les messages. La politique d’hier vivait dans le cocon des cercles restreints qui condescendaient ponctuellement à partager l’information contrôlée. La politique d'aujourd'hui connaît le neuf en permanence. Les campagnes qui ont changé la donne ont été celles qui étaient capables de faire vivre ce partage et ce neuf. Cette ambiance explique pour une grande partie les résistances nouvelles aux parachutages, caricatures du partage pour lutter contre la décision tombée d'en haut tant à gauche qu'à droite.
La seconde frontière : la politique-consommation. La seule politique qui vaille est celle qui est consommée parce qu’utile. La politique mise en oeuvre par le Gouvernement Ayrault a été efficace parce qu'elle "parle" à l'opinion : allocation cartables, loyers bloqués, essence plafonnée ... Ces annonces ont été la base du rebond de popularité du Gouvernement dans la semaine qui a suivi son installation alors même qu'auparavant tout restait sans souffle.
La troisième frontière : la vérité dans le contenu. Parce que le contrôle est permanent et diffus, le mensonge ne dure plus. Il y a toujours une «bonne âme» qui sait le bon chiffre, qui connaît l’identification technique, qui a pris la photo ou la vidéo … qui peuvent briser la protection désormais fragile des seules apparences officielles.
La quatrième frontière : la croisade de tous. Dès qu’un objectif reste étranger au grand nombre, il est perdu. Pour qu’il soit gagné, cet objectif doit d’abord s’ouvrir à l’appropriation par le plus grand nombre. Il ne s’agit plus de concevoir des campagnes de communication mais de faire naître des causes collectives. Dans ce climat aiguisé par la crise financière, la défense de ce qui peu être perçu comme des "privilèges des riches" est une cause perdue par avance avant que l'opinion n'ait le sentiment que défendre les riches ce serait défendre l'emploi de tous et pas le compte en banque d'un petit nombre.
La cinquième frontière : aimer l’arc en ciel. Les partis politiques sont les supermarchés de la réalité virtuelle. Ils ont une gamme élargie de bilans, de projets mais c’est du prêt à penser permanent. La politique efficace est désormais celle du commerce de proximité enraciné dans la vie de tous les jours au coin de sa rue, dans la réalité de son quartier, dans l’existence de son entreprise. Un quotidien qu'il faut toujours améliorer. D'où l'échec de ceux qui promettent des sacrifices et des rigueurs pour résoudre la crise.
La sixième frontière : le retour du plaisir. Le collectif ne doit pas être le rendez-vous des peurs, des obligations, des déceptions. Il doit être d’abord le rendez-vous du plaisir. Le plaisir d’avancer ensemble, de perdre en ayant défendu toutes ses chances, de gagner en ayant porté le rêve du plus grand nombre. Toutes les tonalités de sanctions, les discours durs provoquent de la répulsion pour le grand nombre qui aspire à retrouver du plaisir dans un monde perçu comme impitoyable.
La septième frontière : le respect du connu accepté. Plus les connaissances progressent et moins les repères techniques sont solides comme si l’astuce consistait maintenant à déformer ce qui peut être familier, solide, porteur de valeurs. Les chiffres s’évaporent. Les statistiques se plient dans toutes les directions. L'opinion bouge alors par "connu accepté". Dès que le discours franchit cette double contrainte, l'opinion décroche. D'où le rapport délicat à la crise internationale et à ses contraintes sur la France : c'est l'inconnu pas toléré.
La huitième frontière : ne plus confondre le produit et son emballage. La différence ne naît plus du graphisme, du nombre de vidéos … mais du contenu concret. L’époque de l’emballage est terminée. Celle de l’imagerie est dépassée. L’époque du contenu est ouverte. Cette époque est celle de la créativité du plus grand nombre. Le club d’avenir n’est pas une clinique pour cerveaux en recherche des bons arguments. C’est la pépinière des initiatives individuelles spontanées toutes réunies dans un même réseau social. La gauche habituée à cette logique joue sur un terrain favorable. Un exemple : l'excellent score d'Olivier Ferrand (Pdt de Terra Nova) qui a surfé en permanence sur cette vague.
La neuvième frontière : l’indicateur permanent de fiabilité. C'est cette logique de fiabilité qui a porté la campagne PS pour les législatives. Au pouvoir à l'Elysée, elle peut s'engager sans risquer d'être neutralisée. Elle demande même la majorité parlementaire pour ne pas être neutralisée. D'où égalemennt les fragilités de la droite. Comment promettre un programme perçu comme fiable alors même que l'opinion vit dans l'image que le pouvoir est à l'Elysée ?
La dixième frontière : la nouvelle vie. Il est actuellement beaucoup question de l’identité Française. Au-delà des évènements, des séquences de temps de l’Histoire, le point commun de bon nombre de marqueurs forts de l’identité française c’est le « jamais vu », le « nulle part ailleurs », des notions qui flattent l'inconscient collectif pour partie à tort mais c'est comme cela. Cette histoire là ne doit pas être terminée aux yeux de l'opinion. Elle n’est ni à ranger ni à célébrer. Elle doit toujours débuter. Elle est à vivre comme aux premières heures. Elle est à savourer comme un aliment frais. C'est la force de l'offre PS de croissance face à la logique de l'austérité à l'allemande. C'est un des socles de la réussite de FH lors de la présidentielle et aujourd'hui de ses candidats députés. C'est peut-être demain le facteur du divorce ?