Ségolène Royal construit son image à l'opposé de celle de Nicolas Sarkozy
La leader socialiste construit son pouvoir d'évocation autour de termes à l'opposé de ceux à ce jour accolés au tempérament du Président de l'UMP. Elle choisit un calendrier qui lui permet de garder la première place en matière de rythme. Le lancement de campagne s'avère à son avantage.
Un bonne campagne électorale, c'est une offre clivante des choix en présence.
L'équipe de communication de S. Royal veut structurer l'offre autour d'un schéma simple.
Ségolène Royal, c'est l'écoute, l'adhésion populaire et la détermination tranquille. Face à ces repères, Nicolas Sarkozy incarnerait la décision solitaire, les classes favorisées et l'agitation inquiétante.
Si ce schéma prend racine, la présidentielle "est pliée". Il est donc impérieux pour le leader UMP de modifier totalement la donne et se réapproprier des valeurs clefs comme le débat, l'écoute et la proximité.
Il lui faut maintenant attendre la rupture des fêtes pour changer la donne vers le 10 janvier 2007. Le mois de janvier a toujours été décisif pour les présidentielles. Il donne naissance à des tendances qui font le score final.
Pour les élections intervenant au printemps dans le calendrier électoral classique, le mois de janvier s'est toujours avéré le vrai tournant de la campagne.
Ce fut le cas exemplaire dans deux circonstances : 1981 et 1995.
En décembre 1980, la Sofres donne 35 % à VGE contre 19 % à Mitterrand. Le tournant intervient lors du Congrès de Créteil le 24 janvier 1981 qui marque le début de nouvelles tendances. VGE est alors donné à 31 % (- 4 points) et Mitterrand à 23 % (+ 4 points). La chute de VGE va continuer pour s'arrêter vers 28 % et la progression de Mitterrand va, elle aussi, continuer pour le porter à près de 26 %.
Cette tendance a pris naissance en janvier .
Le mois de janvier avait alors été marqué par trois faits majeurs :
* le 24 janvier 1981 se déroule le Congrès de Créteil. F. Mitterrand se détache de sa fonction de Premier Secrétaire du PS et prononce un discours rassembleur qui lui donne une "nouvelle dimension",
* dés le 26 janvier, dans la stricte continuité de ce discours, les premiers témoignages de personnalités étaient lancés : Claude Chabrol, Yves Boisset, Elisabeth Badinter, Françoise Sagan,
* le mardi 27 janvier, Jacques Blanc, alors Secrétaire général de l'UDF et Michel Poniatowski font le tour des radios pour lancer l'offensive "supposée nucléaire" en posant la question : "y aura-t-il des ministres communistes au Gouvernement ?". L'argument qui avait fait ses preuves lors des législatives de 1978...
En une semaine, toute la donne était modifiée.
François Mitterrand n'était plus le seul leader des socialistes. Bien davantage, le reproche majeur (relations avec les communistes) n'allait plus prendre.
La campagne avait structurellement basculé.
En 1995, au cours du mois de janvier, les nouvelles tendances sont apparues dans des conditions analogues. Pourquoi ce mois janvier est-il aussi décisif ?
4 facteurs contribuent à cette situation.
Tout d'abord, c'est le mois qui ponctue la première sélection. Pour le plus grand nombre de citoyens, la période préalable est d'abord une période de confusion et d'incertitude. Multiplication des candidats, des déclarations, des effets d'annonce : tous ces éléments entraînent une certaine circonspection. Là, en janvier, le jeu se clarifie enfin dans un cadre quasi-officiel.
Ensuite, au même moment, interviennent les clarifications de contenu permettant d'identifier les vraies priorités. A chaque nom peut alors être accolée la promesse d'offre, le message dominant. Le nom du candidat change de dimension et devient une marque avec une promesse de contenu.
Puis, troisième facteur, si la clarification positive intervient, il en est de même des choix en matière de campagne négative. Les reproches ont été sélectionnés pour n'en retenir que les deux ou trois majeurs qui peuvent altérer efficacement l'offre concurrente.
Enfin, dans ce contexte, l'opinion se positionne très rapidement. Si la promesse de contenu adhère et emporte sur son passage les critiques des autres camps, la tendance à la hausse se dégage et généralement s'amplifiera avec une sorte de phénomène technique auto-entretenu de victoire courant vers la victoire.
A l'inverse, si les critiques dominent, la promesse de contenu, la tendance à la chute est amorcée.
Depuis 1981, toutes les présidentielles ont connu le tournant de janvier. Il en est de même pour les élections locales quand elles se déroulent en mars.
Ce mois est alors un concentré de messages et le moment où l'opinion s'inscrit réellement dans son calendrier de citoyens appelés à faire la décision.
Chaque équipe doit donc s'organiser en conséquence pour ne pas rater ce rendez-vous.
Pour Nicolas Sarkozy la rentrée de la mi-janvier est probablement le tournant de sa campagne.